Vous avez dit substantiel ?

Le terme substantiel apparaît dans la loi sur deux points :

  • la définition de l'investissement nécessaire pour être considéré comme producteur d'une base de données

  • la portion d'une base de donnée qui peut être réutilisée par un tiers sans nuire aux droits du producteur

Un investissement substantiel

Quelques exemples

Le niveau requis par la jurisprudence pour considérer qu'il y a investissement substantiel n'est pas très élevé : la protection a été accordée pour des bases représentant quelques dizaines de milliers d'euros (CA Paris du 12/09/2001 et TGI Paris du 5/09/2001, Legipresse déc. 2001, n° 187, p. 215, concernant respectivement une base de données de salons professionnels et une base de données d'offres d'emplois).

Dans certains cas, cependant, l'investissement est apparu insuffisant ; il en a été jugé ainsi d'un fichier constitué par des annonces de marchés publics publiées par un groupe de presse : même si elle impliquait des charges, la constitution de ce fichier ne nécessitait pas, en tant que telle, des investissements et, à plus forte raison, des investissements substantiels (CA Paris, 4e ch,, 18 Juin 1999, D 1999 IR, p. 225), le producteur ne justifiant pas d'un investissement substantiel pour l'obtention des annonces, ne vérifiant pas les informations, ni leur présentation, et ne démontrant pas des frais de promotion auprès des annonceurs.

La Cour de justice des Communautés européennes s'est montrée encore plus exigeante dans une série d'arrêts (CJCE 9 novembre 2004 Affaires n° C-444/02, C-338/02, C-2003/02, C-46/02) précisant que la notion d'investissement substantiel doit être considérée :

comme désignant les moyens consacrés à la recherche d'éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base. Elle ne comprend pas les moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu de la base de données

Ainsi, pour les juges communautaires, la notion d'investissement substantiel exclut les dépenses liées à la constitution des informations qui seront par la suite intégrées dans la base de données, si l'entreprise concernée dispose de ces informations par ailleurs. Elle ne peut porter que sur les moyens destinés à vérifier la valeur ou la fiabilité des données. La Cour donne donc une notion assez restrictive de l'investissement substantiel.

Conseil

L'investissement substantiel doit être prouvé par celui qui l'invoque.

Ainsi, si un organisme public veut se prévaloir d'un tel investissement, il doit être capable de présenter des comptes établissant les moyens financiers, humains et matériels qu'il a investi pour la constitution, la vérification ou la présentation des données. Dans cette perspective le dépôt d'un dossier financier est préconisé.

Rappelons cependant que depuis la loi pour une République numérique d'octobre 2016, les administrations ne peuvent plus utiliser leurs prérogatives de producteur de bases de données pour interdire la réutilisation du contenu des bases de données qu'elles ont obligation de publier (voir Les droits du producteur de base de données). Sauf cas spécifiques il n'y a donc pas lieu de déposer de tels dossiers.

Partie substantielle d'une base de données

Une notion aux contours flous

Il est bien difficile de qualifier le terme de substantiel dans le cadre qui nous concerne. Aucun chiffre représentant une portion définie d'une base de données ne peut être avancé pour signifier que les extractions seront substantielles au-delà de ce chiffre et non substantielles en-deçà.

Évidemment l'extraction ou la réutilisation de la quasi totalité d'une base de données va à l'encontre du droit du producteur. Ainsi, la reprise de l'annuaire inversé de France Télécom a été condamnée en 1999 (TC Paris, 18 juin 1999, JCP 2000, p. 841). Le tribunal indiquant sur ce point que :

[...] les défenderesses [...] ont estimé plus simple, et surtout moins onéreux, de mettre en œuvre un comportement s'apparentant à un pur et simple « piratage » et de profiter, à peu de frais, des investissements ainsi effectués par France Télécom, sans même avoir sérieusement cherché à obtenir de cette dernière une offre commercialement viable pour exercer leur activité dans des conditions normales.

Sans trop se tromper on peut également affirmer que l'extraction ou la réutilisation de 50% d'une base de données sera sans nulle doute considérée comme substantielle. Mais que dire de l'usage d'une portion moindre ? A partir de quand la portion réutilisée sera-t-elle substantielle ? Nulle ne peut le dire car c'est avant tout le producteur qui estimera s'il y a abus ou pas ou s'il estime qu'il y a un préjudice pour son entreprise.

Réutilisation d'un référentiel vectoriel

Comme indiqué au chapitre relatif aux œuvres composites, les conditions de réutilisation de la BD Topo® de l'IGN[1] autorisent, sans contre-partie, une réutilisation de ces données en tant que référentiel géographique si elles ne permettent pas la reconstitution d'une partie substantielle des Données de l'IGN. Pour avoir une meilleure compréhension du terme substantiel, il faut considérer ici la BD Topo® dans son ensemble, avec l'ensemble des objets géographiques qui la composent et sur l'ensemble de son étendue géographique. On conçoit alors aisément que la réutilisation de quelques objets géographiques sur une thématique donnée pour caler des informations métiers est le plus souvent loin d'atteindre une partie substantielle de la base de donnée BD Topo®.

De la même manière, le 20/06/18, la Commission européenne a estimé que la réutilisation de l'intégralité de la géométrie routière d'OSM sur toute la surface de l'union européenne n'était pas substantielle.