Données relatives au réseau routier

Remarque

Cette fiche contient une étude de cas liée à l'application AGORRA, complétée d'un encart concernant la gestion des données de trafic(celles-ci n'apparaissant pas dans AGORRA).

Le contexte

L'application AGORRA (Aide à la Gestion Opérationnelle des Risques Routiers et Aléas) est une application web à accès restreint dont la conception fonctionnelle a été assurée par le Cerema (établissement public sous tutelle du ministère de l'écologie) via un financement du ministère de l'écologie et dont le développement a été réalisé par le ministère de l'intérieur.

Pour fonctionner cette application utilise de nombreuses données géolocalisées concernant :

  • le référentiel routier (bretelles, sections de route, échangeurs)

  • les équipements routiers (panneaux à messages variables, stations de comptage, caméras, péages, aires, accès de service...)

  • les caractéristiques particulières des réseaux comme les zones de stockage des poids lourds

  • les mesures de gestion du trafic (stockage des poids lourds, itinéraires alternatifs, fermeture d'axes, basculement sur chaussée ...) issues de différents documents de planification (Plan de Gestion du Trafic, plan Orsec...)

La collecte, la consolidation, le reformatage, la saisie et la mise à jour régulière de l'ensemble de ces données sont assurés par divers services de l'État, dont notamment :

  • les Directions Régionales de l'Environnement de l'Aménagement et du Logement,

  • les Cellules Routières Zonales constituées d'agents de la gendarmerie, de la police et de DREAL,

  • le Ministère de l'intérieur,

  • le Cerema, via un financement de l'État

Question et réponses

Existe-t-il des droits de propriété intellectuelle sur les données et qui en est titulaire ?

Les données en question, qui sont structurées, organisées et individuellement accessibles, répondent à la définition de la base de données. La structure de cette base est susceptible de protection par le droit d'auteur si elle est originale. Le droit d'auteur appartiendrait à l'État dès lors qu'il en est effectivement l'auteur ; ce qui semble être le cas puisque la conception et le développement de l'application ont été réalisés par des services de l'État ou via son financement du Cerema.

Quant au contenu de la base, c'est-à-dire aux données elles-mêmes, il est susceptible d'être protégé par le droit du producteur de bases de données, dès lors que la base représente, comme c'est le cas ici, un investissement substantiel pour sa constitution ou sa mise à jour. Ce droit du producteur revient à l'État, qui a pris l'initiative de la base et supporte l'intégralité de l'investissement nécessaire, sauf si le financement du CEREMA a fait l'objet d'une convention de subvention ; auquel cas c'est le CEREMA qui détient les droits du producteur (voir Qui est le producteur d'une base de données ?).

L'État est donc titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la base de données et sur les données.

En cas de doute, il conviendrait cependant de s'assurer qu'aucune des données n'est soumise à la propriété intellectuelle d'un tiers (c'est-à-dire autre que l'État dans le cas présent), par exemple du fait de la fourniture de données protégées par le droit d'auteur comme des fonds de plans, des référentiels géographiques ou des cartes, ou en vertu d'un contrat.

Les services détenteurs de ces informations peuvent-ils en restreindre la diffusion aux services du ministère et aux autres administrations ?

En première approche, non. La base de données sur laquelle s'appuie le logiciel AGORRA répond à la caractérisation d'un document administratif au sens de l'article L300-2[1] du code des Relations entre le Public et l'Administration. À ce titre elle doit être fournie à toute personne en faisant la demande. De surcroît, l'article L312-1-1[2] de ce même code spécifie que cette base doit être publiée en ligne.

Parmi les motifs recevables en matière de restriction d'accès à certains documents administratifs, seuls deux d'entre eux pourraient s'appliquer au cas présent et mériteraient d'être analysés :

  • l'éventuelle existence de droits de propriété intellectuelle de tiers (voir la question précédente)

  • l'existence d'informations dont la communication porterait atteinte à la sûreté de l'État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes

Cependant, même si la base de données s'avérait non communicable pour l'une de ces raisons, l'article L311-7[3] du code des Relations entre le Public et l'Administration impose, dès lors que cela est possible, de disjoindre les mentions faisant obstacle et de procéder à la communication et à la publication en ligne.

Est-il possible d'envisager une diffusion gratuite pour les autorités publiques et payante pour les autres demandeurs ?

Par référence à l'article R311-11[3] du code des Relations entre le Public et l'Administration, seuls les coûts de reproduction et d'envoi peuvent être mis à la charge du demandeur. S'agissant d'une base de données au format électronique et devant être publiée en ligne, ces frais n'ont pas lieu d'être.

S'agissant d'informations publiques, les informations contenues dans la base de données peuvent être réutilisées par toute personne qui le souhaite, y compris dans un but commercial. En application de l'article L324-1[4] du code des Relations entre le Public et l'Administration, cette réutilisation est gratuite et ne peut pas faire l'objet d'une redevance.

Dès lors, il ne peut pas être question de diffusion payante en vue de la réutilisation de ces informations, quelque soit le réutilisateur.

Pour attirer l'attention des « réutilisateurs » sur les risques attachés aux données, il est envisagé de faire signer un document, par exemple un acte d'engagement. Cela est-il possible et quels sont les éléments juridiques permettant de protéger la responsabilité du diffuseur ?

Le souci de protéger sa responsabilité en tant que diffuseur de données est judicieux. Cependant le code des Relations entre le Public et l'Administration n'autorise l'usage que de deux licences pour accompagner la diffusion de données en vue de leur réutilisation : la licence ouverte et la licence ODBL. Ces licences ne peuvent pas être modifiées et ne comportent ni clause de mise en garde, ni clause susceptible de limiter la responsabilité du diffuseur, notamment concernant un mauvais usage des données.

Il convient donc d'informer les réutilisateurs via un avertissement inclus dans les métadonnées qui doivent accompagner la fourniture des données elle-mêmes. Un avertissement type dont il est recommandé de s'inspirer est proposé dans le chapitre Des clauses limitatives de responsabilité.

Dans le cas où un tiers posséderait des droits de propriété intellectuelle sur les données, il conviendrait également de spécifier dans les métadonnées les implications dans le cadre d'une réutilisation (citation du tiers, achat d'une licence auprès du tiers ...)

ComplémentSpécificités liées aux données de trafic

Pour effectuer des études sur le réseau routier à l'échelle de la région, à la demande d'une administration, les prestataires demandent à utiliser les données de trafic, notamment du réseau routier national. Qu est ce qui est livrable par l'administration a son prestataire et sous quelle condition ?

Il y a deux cas de figure : les données sont produites par une administration ou les données sont produites dans le cadre d'une concession d'exploitation d'autoroute.

Lorsqu'il s'agit de données récoltées par une administration, elles sont publiées et il n'y a aucun obstacle à leur communication.

Lorsqu'il s'agit de données produites dans le cadre d'une concession d'exploitation d'autoroute, la loi Lemaire[5] a modifié par son article 17 les dispositions de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession Désormais pour toute délégation de service public, le concessionnaire fournit « les données et les bases de données collectées ou produites à l'occasion de l'exploitation du service public faisant l'objet du contrat et qui sont indispensables à son exécution. L'autorité concédante ou un tiers désigné par celle-ci peut extraire et exploiter librement tout ou partie de ces données et bases de données, notamment en vue de leur mise à disposition à titre gratuit à des fins de réutilisation à titre gratuit ou onéreux » (dans le respect des articles L311-5 à L311-7[6] du CRPA).

Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux contrats signés où pour lesquels une consultation a été engagé au-delà du 7 octobre 2016. Des exceptions sont possibles à l'ouverture des données : « L'autorité concédante peut, dès la conclusion du contrat ou au cours de son exécution, exempter le concessionnaire de tout ou partie des obligations prévues au présent article par une décision motivée fondée sur des motifs d'intérêt général et rendue publique. »

Pour les contrats signés avant le 7 octobre 2016, il faut se reporter aux termes du contrat. En l'occurrence, si l'on considère par exemple la convention passée entre l'État et ASF en 2015, l'État s'engage dans son CCTP à préserver la confidentialité des informations de trafic fournies par le concessionnaire.

Ces données ne sont donc communicables aux prestataires de l'étude que pour la seule prestation liée à l'élaboration, à la mise en œuvre et au suivi de la politique routière et l'administration prend les mesures nécessaires pour préserver la confidentialité sous forme de clauses de confidentialité.